Entretien avec Cécile Muschotti, jeune députée de 30 ans LREM (2ème circonscription du Var), membre de la commission des Affaires Culturelles et de l’Education et de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Féministe convaincue, c’est avec une grande conviction que la jeune femme affirme ses positions politiques. Entretien avec une députée certaine que le statut de la Femme évoluera par le débat.

Vous faites partie de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Quels sont vos projets au sein de cette délégation ?

L’objectif à travers cette délégation est de d’abord pouvoir libérer la parole des femmes sur le volet des agressions, des violences conjugales et des agressions sexuelles pour ensuite construire un cadre législatif, c’est-à-dire modifier la loi ou la faire évoluer. Cela ne pourra se faire qu’à partir du moment où la parole sera libérée, que nous saurons sur quelles bases nous partons ainsi que l’état de ces violences aujourd’hui en France.

Que pensez-vous des nouveaux mouvements de groupes sur les réseaux sociaux de dénonciation du harcèlement sexuel tels que MeToo et #balancetonporc ? Y avez-vous participé ?

Je les étudie avec beaucoup d’attention parce que, justement, ils faisaient partie de cette première étape de libération de la parole -oser dire ce que l’on a subi, oser révéler le nom de son bourreau- qui était fondamentale. Toutefois, j’avoue que, en ce qui concerne #balancetonporc, je n’ai ni apprécié le terme « balancer » ni le terme « porc ». Mais je me suis dit qu’ils étaient violents parce qu’ils étaient à la hauteur et révélateurs de ce que ces femmes ont vécu. Il faut arriver à entendre cette violence-là puis à la régler de manière définitive et durable si l’on souhaite parvenir à dépasser ces phénomènes.

En tant que femme et députée, pensez-vous qu’il est possible d’allier grossesse et mandat ? Est-ce encore un tabou ?

Récemment nous avons voté à l’Assemblée Nationale la création d’une crèche pour les attachés parlementaires, mais aussi les députés. Il est vrai que sur cette mandature nous atteignons pratiquement une parité totale, avec aussi un renouvellement dans les âges, ce qui veut dire jeunes femmes élues, et jeunes femmes qui peuvent avoir, évidemment, des projets de grossesse. Ce n’est pas toujours évident mais je reste persuadée qu’avec un peu de volonté tout peut se faire et que ce sera un parfait reflet du renouvellement que de voir des bébés à l’Assemblée Nationale.

Pensez-vous que votre élection aurait été facilitée si vous aviez été un homme ?

Sur certains aspects oui parce que, lorsque l’on est une femme, d’autant plus une jeune femme, on doit redoubler d’efforts pour attester de sa crédibilité en tant que femme politique, de sa vision et de ses compétences en ce qui concerne son territoire. J’ai été victime d’attaques sexistes parce que c’est l’arme la plus facile pour mes adversaires masculins mais c’est un challenge que j’ai relevé avec la force nécessaire, je pense.

Où avez-vous puisé vos aspirations politiques ? Vos parents étaient-ils engagés eux aussi ? Quelle était leur position vis à vis de la condition féminine ?

Mes parents étaient évidemment engagés, mais principalement mes grands parents qui ont été élus de nombreuses années, mon grand père en tant que socialiste et ma grand-mère communiste : personne n’était jamais d’accord aux repas de famille. Le ton montait toujours mais ce qui est certain c’est que la chose politique a fait partie intégrante de ma construction.

J’ai une grand-mère, qui a quatre-vingt sept ans et qui a fait partie de ces premières femmes à prendre la parole dans les manifestations, à parler d’égalité Homme/Femme et de la transformation du statut de la Femme dans la société. J’en suis très fière et bien évidemment que cela a guidé mon engagement aujourd’hui.

Il me semble que vous vous êtes engagée en politique dès l’âge de 15 ans. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager aussi jeune ?

Je pense que ce qui m’a poussé est la prise de conscience de l’injustice que pouvait créer la société française. L’injustice, parce que je me rendais compte que mes copains et mes copines de classe ne pouvaient pas forcément partir en vacances, n’avaient pas accès à la culture comme moi j’avais accès aux livres, aux musées et aux voyages, à la découverte. Plus grave encore, certains rentraient chez eux et ne mangeaient pas à leur faim. C’est vraiment ce combat-là, vers plus d’équité, plus de justice sociale, qui a enclenché mon engagement politique.

Quels projets avez-vous pour les femmes françaises, et plus particulièrement les Toulonnaises maintenant que vous êtes leur porte parole ?

C’est compliqué dans le Sud de la France, peut être plus compliqué qu’ailleurs, parce que, si certains revendiquent le machisme du Sud, il faut qu’on arrive à imposer la Femme sur toutes ces perspectives, et par perspectives j’entends la liberté de s’habiller comme on veut, la liberté de dire ce que l’on veut, et certains évènements tragiques et récents sur nos terres toulonnaises ont montré qu’il y avait encore énormément de travail à faire. Je fais référence à cette jeune fille qui s’est fait agresser dans le bus par des femmes, ce qui me semble important à souligner, parce qu’elle portait un short. Je pense aussi au gros débat sur le burkini sur nos plages. C’est vraiment un sujet à mettre au centre du débat, sur la place publique. Il faut que nous arrivions à en parler, surtout auprès des jeunes générations.

Cécile Muschotti à la Marche en short sur la place de la Liberté le 25 juin 2016 à Toulon

– Justement, vous étiez à la « Marche en short » le 25 juin 2016 après l’agression de cette jeune femme pour sa tenue. Pourquoi était-il si important pour vous de l’organiser ?

C’était important parce qu’on a tendance à croire, les jeunes hommes et les jeunes femmes de ma génération, que l’égalité entre les hommes et les femmes est acquise et que ce pourquoi les générations passées se sont battues est quelque chose de terminé alors que ce n’est absolument pas le cas. Cette agression a été révélatrice d’un malaise de société, et pour moi organiser cette marche des shorts c’était rassembler pour qu’on commence à poser les premières pierres du débat, c’est-à-dire comprendre pourquoi cette jeune fille a été agressée ainsi que se servir des leviers à notre disposition pour arriver à faire évoluer la société et à enclencher cet engagement, cette volonté de pousser notre société vers l’égalité Homme/Femme à travers notamment les jeunes générations.

Une pétition pour demander l’interdiction des relations sexuelles entre médecins et patients a été mise en ligne. Qu’en pensez-vous ?

La parole se libère, tant mieux, on met le doigt sur un nouveau problème. Il a été exigé de revoir la Loi sur ce sujet. Il faut savoir qu’on n’est pas obligé de tout le temps la revoir mais lorsqu’on se penche sur ce sujet-là, on se rend compte que la Loi existe et qu’elle empêche, régule et condamne toutes ces dérives, notamment en terme de relations sexuelles entre patients et soignants. Nous devons faire en sorte que la Loi soit appliquée et que ceux qui ne la respectent pas soient condamnés. C’est très bien d’avoir remis ce sujet sous la lumière des médias pour qu’on puisse faire en sorte qu’elle soit appliquée.

Pour finir, comment envisagez vous votre avenir en politique ?

Je me suis engagée sur ce mandat pour cinq ans, quatre ans maintenant, au service de la Nation, au service de mes concitoyens, au service des Toulonnais. Ce que je veux c’est qu’à la fin de ce mandat-là je puisse dire avec mes concitoyens que le territoire a progressé, que nous avons avancé, notamment en terme d’emploi et d’écologie, gros problème sur le territoire toulonnais. La suite, je n’en sais rien, j’avais un métier avant de faire de la politique, j’en aurai un après. Cette notion de service, je m’y attèle et seul l’avenir nous dira sur quel autre combat je déciderai de me positionner.

Louise Msallan