Le mardi 6 novembre, Politiqu’elles a eu l’honneur de recevoir Audrey Gloaguen, réalisatrice du documentaire Tampon, notre ennemi intime, et Elise Thiébaut, autrice de Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font, pour une conférence intitulée “Les règles : pourquoi sont-elles encore tabou ?”.

 

Cette conférence été motivée par un constat simple : dans toutes les sociétés et depuis la nuit des temps, les menstruations des femmes sont taboues. En témoigne le fait que l’image utilisée pour l’affiche de notre conférence avait été censurée par Instagram…

 

Nous nous sommes donc intéressées aux conséquences de ce tabou.

En premier lieu, Elise Thiébaut a pu souligner que celui-ci conduit les femmes à garder le silence sur leurs règles douloureuses ; et, si jamais elles en parlent, elles s’entendent souvent répondre que “c’est normal”. Celles-ci peuvent pourtant être un signe de l’endométriose, une maladie dont sont porteuses 10 à 15 % des femmes et qui a de nombreuses conséquences néfastes sur leur santé : douleurs importantes pendant les règles, voire pendant les rapports sexuels, difficulté à concevoir un.e enfant… Le silence qui entoure cette maladie méconnue, qui met environ 7 à 10 ans à être diagnostiquée, est également à l’origine du manque de recherches la concernant, et donc de traitements permettant de la supprimer. Ainsi, les femmes atteintes d’endométriose se voient le plus souvent proposer une mise sous contraceptif en continue, ou un traitement chirurgical entrainant des lésions, qui n’est toutefois pas curatif. Pourtant, comme l’a rappelé Elise Thiébaut, il existe bien un traitement contre l’impuissance sexuelle des hommes, alors même que ce phénomène n’est ni douloureux ni une maladie…

 

Audrey Gloaguen a ensuite expliqué que le silence qui entoure les menstruations conduit à d’autres phénomènes dangereux pour la santé des femmes. Ainsi, les consommatrices n’osent pas s’interroger sur la composition des serviettes et tampons, qui n’est pas indiquée sur leur boîte (alors même que c’est le cas pour les médicaments ou le maquillage en France). Pourtant, comme le révèle une étude commandée en août 2016 par le secrétariat d’Etat français à la Consommation, ils contiennent entre autres des dioxines, classées parmi les dix produits chimiques les plus dangereux au monde par l’Organisation Mondiale de la Saté (OMS), et des phtalates, perturbateurs endocriniens présents dans le Round Up de Monsanto. Un peu problématique lorsqu’on sait que les muqueuses sont extrêmement absorbantes, plus que la peau, et que ces produits restent en contact parfois jusqu’à 8h avec celles-ci…

 

La réalisatrice est également revenue sur le second problème soulevé par son documentaire, à savoir le Syndrome du Choc Toxique (SCT). Celui-ci peut se développer chez certaines femmes, porteuses du staphylocoque doré, lorsqu’elles portent des tampons. Il se manifeste par des symptômes proches de ceux de la grippe, à l’image d’une fièvre, de diarrhées ou d’éruptions cutanées, et, non pris en charge à temps, entraîne une défaillance progressive des organes vitaux, puis une amputation voire la mort. Le SCT semblant lié à la puissance d’absorption des tampons, les fabricants sont désormais contraints de l’indiquer sur leurs produits, notamment par le biais de gouttes sur les paquets de protections hygiéniques. Ils sont cependant plus identifiés comme des marqueurs d’efficacité du produit que comme des signes d’un potentiel danger par les consommatrices, passant par là même d’une fonction de protection des femmes à un outil de marketing.

 

Face à ces dangers, nous avons ensuite abordé la thématique des “nouvelles protections” concernant le flux des règles, qui apparaissent aujourd’hui comme des solutions prometteuses en l’absence de réponses des pouvoirs publics. Si Audrey Gloaguen incite les femmes à faire attention aux effets secondaires que pourraient engendrer les coupes menstruelles qui, selon certaines sages femmes, pourraient accélérer les descentes d’organes chez certaines jeunes femmes, les deux intervenantes se sont montrées enthousiastes quant aux culottes menstruelles, qui absorbent le sang et qu’il suffit ensuite de laver, et aux serviettes et tampons biologiques. Enfin, nous avons évoqué le flux instinctif libre, qui consiste à retenir le sang qui coule avec son périnée, de la même manière qu’on le ferait avec l’urine, et à le relâcher en allant aux toilettes. Ces types de protections sont en tout cas plus écologiques et/ou économiques que les protections traditionnelles.

 

Pour conclure, nos deux intervenantes ont appelé à la rupture du tabou qui entoure les règles. La libération de la parole doit en effet passer par l’organisation d’évènements de ce type, mais également par les comportements de chacun.e d’entre nous. Ainsi, comme Audrey Gloaguen l’a souligné, elle n’hésite désormais plus à demander des serviettes à haute voix à ses collègues féminines au bureau, et ne cache plus ses serviettes dans sa manche quand elle va aux toilettes. Car en effet, qui chuchoterait pour demander un doliprane à cause d’un mal de tête avant de l’ingurgiter en cachette ?

 

Politiqu’elles remercie donc Audrey Gloaguen et Elise Thiébaut de nous avoir accordé de leur temps, et vous invite tous et toutes à prendre part à ce processus de dé-stigmatisation des règles !

Mandine Pichon-Paulard