Pour continuer notre série d’interviews de femmes politiques, nous avons échangé avec Madame Laurence Trastour-Isnart, députée Les Républicains (LR) de la 6e circonscription des Alpes-Maritimes et membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Entretien.

 

Vous avez fait votre entrée en politique en 1998 en tant que conseillère municipale de Cagnes-sur-mer. Pensez-vous que le fait d’être une femme a compliqué ou freiné votre carrière ?

Quand je suis entrée au conseil municipal, j’avais deux défauts : d’être jeune puisque je n’avais que 25 ans, et d’être une femme. J’avais également une qualité, j’étais une fille de commerçants connus et reconnus sur la commune. Quand j’ai été élue la première fois, la parité n’était pas encore instaurée, et sur 43 élu.e.s, nous étions 9 femmes : il ne m’a pas été facile de faire ma place. En plus de ces freins extérieurs, il y avait aussi des freins que je me mettais moi-même.

 

Justement, êtes-vous pour ou contre les quotas en politique ?

Je trouve qu’il est dommage qu’on ait besoin d’y avoir recours, c’est quelque chose qui devrait se faire naturellement. Personnellement, j’ai été élue sans quota lors de mon premier mandat. C’est vrai que, lors de mon mandat suivant, quand les quotas ont été instaurés, nous avons on a vu arriver beaucoup de femmes, ce qui est un point positif. Disons que les quotas ont permis à des femmes de mettre en avant leurs compétences, ce qu’elles n’auraient peut-être pas pu faire sans.

 

Que pensez-vous de la politique du « name and shame » pour les entreprises ? (c.a.d publier les listes des entreprises ne respectant pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes)

Je pense qu’il est effectivement nécessaire de nommer les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale inscrite dans la loi. Il ne s’agit pas de dénoncer mais au contraire d’inviter les entreprises à assumer leurs responsabilités.

 

Vous êtes membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En quoi consiste votre travail ?

Nous auditionnons entre autre des experts, des responsables associatifs, les ministres en fonction des sujets puis nous publions un rapport qui doit donner lieu à des propositions sur les textes examinés. Le but est de prendre en compte les problèmes concrets des femmes et de pouvoir améliorer leur situation. Sur les violences sexuelles, nous avons par exemple interrogé des associations qui accueillent et s’occupent de femmes qui subissent des violences. Nous avons aussi pu consulter des associations sur la question de l’avortement.

 

Vous sentez-vous féministe ? Comment définiriez-vous le féminisme ?

Je ne me suis jamais sentie féministe, pourtant je le suis énormément. Ca signifie que je ne me suis jamais dit « je vais adhérer à une association féministe », mais dès que j’ai l’occasion de mettre en valeur le travail d’une femme, d’une collègue, je le fais. C’est quelque chose qui est trop peu fait alors que c’est très important. Par exemple, une femme de ma circonscription entraîne des hommes au foot ; c’est important de le faire savoir. D’autant, qu’elle a d’excellents résultats sportifs. J’ai aussi travaillé avec l’association Alter Ego. J’ai été avec eux dans des établissements et notre but était vraiment d’emmener les garçons dans des métiers dits féminins. Par exemple, il est essentiel d’avoir une image masculine dans les crèches. De même, il me semble opportun de pouvoir diriger les filles vers des métiers techniques, traditionnellement masculins, si elles souhaitent les découvrir.

 

Etes vous pour ou contre l’écriture inclusive et pourquoi ?

Je suis contre. Cela engendre des difficultés pour les enfants qui apprennent à lire et à écrire et cela complexifie la tâche de ceux qui en rencontrent déjà, comme les enfants dyslexiques .

 

Que pensez-vous du mouvement #Balancetonporc et #Metoo ? Vous sentez vous solidaires de toutes ces femmes ou pensez-vous au contraire qu’il s’agit d’un phénomène de délation ?

C’est très bien pour celles qui ont eu le courage de le faire, ça leur a permis d’évacuer et de se libérer de quelque chose qu’elles gardaient parfois depuis longtemps. Cependant, je ne suis pas convaincue qu’une autre femme qui vit du harcèlement dans son entreprise va forcément le révéler, je pense que cela touche surtout celles qui ont pu directement le faire.

 

Le projet de loi VSS vous semble-t-il aller trop loin ? Pas assez loin ?

Ce qui me pose problème dans ce projet de loi, est lié à l’imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur les mineurs. Je sais que c’est une mesure qui n’est pas constitutionnelle telle qu’elle, mais nous aurions pu adopter une prescription de 40 ou 50 ans pour qu’en pratique, ce soit presque équivalent. Ensuite, il ne faut pas rentrer dans l’excès. Ce texte est une avancée pour les femmes, mais il faut faire en sorte de ne pas créer de malaise entre les hommes et les femmes. Le contact humain est parfois spontané et sans arrière- pensée, il ne faut pas que tout soit mal interprété et passe pour du sexisme. Je pense qu’il faut conserver de la modération. C’est important de ne pas fausser le rapport humain entre les hommes et les femmes.

 

Politiqu’elles travaille beaucoup sur le cyberharcèlement et j’aurais voulu avoir votre avis sur le sujet. Pour vous, l’arsenal législatif est-il suffisant ?

Ce projet de loi est une avancée, après il est important d’être vigilant sur le terrain. De façon générale, le cyberharcèlement est subi par des jeunes, et ils se prennent parfois eux-mêmes « les pieds dans le tapis ». Il faut donc délivrer de l’information sur les outils numériques en amont, dès le primaire. Je pense qu’il est essentiel qu’ils apprennent à faire attention à ce qu’ils donnent de leur vie aux autres, qu’ils gardent une certaine intimité face aux personnes malveillantes. La prudence, c’est d’abord vis-à-vis de soi-même, pour se protéger des autres.

 

Alors que les Etats Généraux de la bioéthique se terminent et que la PMA pour toutes est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, quelle est votre position sur le sujet ?

Je pense qu’il faut replacer cela par rapport à l’enfant. Il faudrait en effet légiférer sur un devoir à l’enfant avant de le faire sur un droit à l’enfant – je parle ici de tous les couples, hétérosexuels ou homosexuels, il n’y a pas de couple idéal pour élever un enfant. Il faudrait expliquer avant que les couples aient un enfant ce que cela engendre. Aujourd’hui, beaucoup de couples divorcent, se séparent, c’est quelque chose qui se développe trop couramment même si cela existait déjà auparavant. Nous sommes dans une société de consommation et il ne faut pas que l’enfant devienne une consommation ; c’est une responsabilité. Un enfant, il faut s’en occuper, l’élever, on ne fait pas un enfant pour se faire plaisir mais pour lui apporter quelque chose, le faire évoluer dans la vie. Je le répète, c’est une valeur qui est valable pour tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle : souvent, c’est le désir d’enfant qui prime. Après, l’enfant sert à se déchirer, on utilise l’enfant et on ne pense pas à son intérêt. Où est la place de l’enfant ? C’est cette question qu’il faut se poser aujourd’hui. Une fois cela pris en compte, je ne suis pas contre la PMA pour les couples de femmes. Un couple uni et qui a pris conscience de ce devoir envers l’enfant sera apte à l’élever, quelle que soit son orientation sexuelle.

 

Et concernant la GPA ?

Je suis défavorable à l’utilisation à visée financière du corps d’une femme.

 

Et dans le cadre d’une GPA sans compensation ?

Dans ce cas… Il faudrait un projet plus construit, avec un texte qui l’encadre de façon très stricte. Dans le cas d’une GPA intrafamiliale 1er et 2ème degrés, je suis capable de l’entendre mais il faut vraiment que ce soit très cadré, sans compensation. C’est ce problème d’instrumentaliser le corps de façon financière qui me dérange.

 

Il y a quelques temps, la porte-parole de l’UNEF à La Sorbonne, Maryam Pongetoux, est apparue voilée lors d’une interview pour M6. D’accusations d’atteintes à la laïcité à celles de prosélytisme, ceci a suscité de vives critiques. Qu’en pensez-vous ?

Je suis contre le port du voile à l’université. Pour moi, le voile n’est pas le respect de la femme, il n’est pas associé à la liberté. Le port du voile, ce n’est pas une liberté, même si j’ai déjà discuté avec des femmes voilées qui le considéraient comme tel dans leur cas. C’est pour moi plus une régression qu’une liberté.

 

Propos recueillis par Mandine Pichon-Paulard