Présidente d’Excision Parlons-en !

Diaryatou Bah

 

 

« Le cri de l’excision, c’est un cri de douleur qu’on ne peut jamais oublier. »

 

 

Qui suis-je ?

Je suis née en 1986 en Guinée, élevée à l’écart de ma famille par ma grand-mère. J’ai été excisée à l’âge de 8 ans comme 97% des femmes dans mon pays, puis j’ai été à 14 ans mariée de force à un homme de 45 ans. Après un parcours de combattante pour me sortir des violences quotidiennes, me construire une vie libérée et sortir du traumatisme, je m’engage contre l’excision dans de nombreuses associations comme Ni pute ni soumise, GAMS. Je suis actuellement présidente de l’association Excision parlons-en !

Quel est mon parcours ?

Je suis issue d’une grande famille, mon père a 4 épouses et 32 enfants, ma mère ne pouvant s’occuper de moi c’est ma grand-mère qui m’élève dans un village de campagne où les femmes organisent toute la vie et m’inculque les traditions africaines. Dans le respect des traditions, je suis excisée à 8 ans, emmenée dans la brousse par une exciseuse qui fait le tour des villages : 3 femmes me tiennent et elle m’excise. Dans le mois qui suit je souffre atrocement mais échappe par chance à l’infection, les seuls remèdes étant de l’eau chaude et des plantes. Au décès de ma grand-mère je rejoins ma famille et à 13 ans je rencontre mon futur mari que je suivrai ensuite en Hollande puis en France. Il a 45 ans mais ma mère accepte car elle voit en l’Europe une voie de liberté pour moi, elle espère que j’échapperai à toutes les violences qu’elle a subies. Bien au contraire, je me retrouve dans un pays étranger dont je ne parle pas la langue, clandestine, enfermée, violée et battue par mon mari. Je fais 3 fausses couches et 5 jours après la dernière il part en Afrique, je me retrouve seule en France. Une émission de télé provoque un déclic chez moi : une femme africaine raconte comment elle s’est libérée de son mariage forcé. Sans tout comprendre, je me rends à la mairie des Lilas et entame un long processus de reconstruction, d’insertion à l’aide d’une assistante sociale et de différentes associations (Voix d’Elles Rebelles). Je décide alors de transformer mon traumatisme en force pour m’engager dans la lutte contre l’excision, contre toutes les violences faites aux femmes.

Quels sont mes combats ?

Les violences que j’ai subies m’ont fait prendre conscience de toutes les violences que subissent les femmes et cela a motivé mon engagement féministe. J’ai une petite fille et je lutte aussi pour qu’elle ne soit pas excisée, ni plus aucune petite fille. Je publie en 2006 le témoignage de mon mariage forcé car le plus important c’est de prendre la parole or de nombreuses femmes violentées ne le peuvent pas, je le fais pour elles. Pour lutter contre l’excision, j’organise avec l’association Excision parlons-en ! dont je suis la présidente des campagnes de sensibilisation auprès des filles et adolescentes qui vivent en France et risquent l’excision lors de leurs vacances dans leur famille en Afrique. 180 000 filles vivant dans l’Union Européenne risquent d’être excisées chaque année selon l’Organisation mondiale de la santé. J’aide de nombreuses femmes à se libérer, à se reconstruire, à s’intégrer et c’est ce qui fait ma fierté. J’ai reçu en 2019 pour mon parcours et mes combats le prix du courage Elles de France organisé par la Région Île-de-France.