Par Nathida Bisiou

Cette première semaine de septembre est marquée par l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales. Il se poursuivra jusqu’au 25 novembre 2019. Le lancement de cette initiative gouvernementale par Marlène Schiappa, Edouard Philippe et Nicole Belloubet a pour but de développer les moyens nécessaires à la protection des victimes de violences conjugales. L’enjeu est tristement d’actualité puisque le week-end dernier la France passait officiellement la barre des 100 féminicides depuis le début de l’année.

Le gouvernement annonce que la lutte contre les violences conjugales fera partie des priorités de ce quinquennat et il faudra bien ça tant la France fait preuve d’un retard inquiétant dans la prévention contre les féminicides et violences faites aux femmes. Il y a beaucoup à apprendre, même de nos plus proches voisins comme l’Espagne, qui a réussi à réduire drastiquement le nombre de féminicides annuels au cours de ses 10 dernières années. L’année dernière , l’Espagne comptait 47 décès liés à des violences conjugales, contre 121 en France. C’est encore trop et l’Espagne a encore des progrès à faire, mais c’est indéniablement un modèle à suivre.

Certains des objectifs du Grenelle prennent d’ailleurs exemple sur le modèle espagnol, notamment en matière de formations des services impliqués dans la gestion des violences conjugales. Aujourd’hui, les magistrats, les forces de l’ordre et les médecins français ne sont pas suffisamment éduqués à gérer les violences conjugales. Il en résulte parfois la mise en danger des victimes qui osent se présenter à l’hôpital ou au commissariats. L’enquête en cours sur un policier refusant de raccompagner chez elle une victime de violences – alors que le président Emmanuel Macron écoutait l’appel de la victime dans le cadre du Grenelle – prouve bien l’échec du système judiciaire à soutenir ces femmes.

Et l’on pourrait multiplier les exemples. Sur 842 “téléphones grave danger” – outils permettant de joindre des services d’assistance accessible 24h sur 24 – seulement 248 sont attribués. En 2017, moins de la moitié des demandes d’ordonnances de protection ont été accordées, soit 1389 sur plus de 3000 demandes. En Espagne, le nombre d’ordonnances était de 29 000.

Le gouvernement, avec ce Grenelle, lance enfin des initiatives face à l’urgence de la situation. L’effort est louable, mais beaucoup d’associations critiquent le manque flagrant de moyens financiers et de mesures éducatives, tous deux indispensables pour engendrer de véritables avancées en la matière. L’association NousToutes déclarait dans un tweet se référant au Grenelle “On est venues, on a vu, on est déçues.”

En effet, le cadre judiciaire existe, il est simplement mal appliqué. Sans y dédier les fonds nécessaires, l’aide aux victimes reste trop limitée pour être significative. De plus, si l’on refuse de faire des violences conjugales une priorité éducative, le nombre de victimes ne risque pas de diminuer. La grande majorité des violences conjugales a lieu après des annonces de séparation. C’est la négation, par certains hommes, des sentiments de l’Autre qui engendre ces violences meurtrières et ce problème doit se régler à la racine et pas seulement une fois devant les tribunaux.

Les interventions après violences n’empêchent pas les violences en elles-même et c’est surtout sur ce sujet que le gouvernement doit se pencher. L’objectif actuel est d’aider les victimes et bien que cela soit nécessaire, il ne s’agit pas d’une fin en soi. Le but devrait être d’empêcher de nouvelles victimes, pas seulement en punissant les agresseurs, pas seulement en procurant des abris temporaires, mais en éduquant et en réformant en profondeur les mentalités et la vision portée sur les relations entre hommes et femmes.