La campagne européenne est aujourd’hui largement mise au rebut au profit du Grand Débat national et de la crise des Gilets Jaunes. Les femmes sont également les grandes oubliées du Grand Débat national. Au 18 février, seules 9 contributions au Grand Débat national portaient sur l’égalité femmes-hommes, 3 sur les droits des femmes et zéro sur le sexisme. Et pourtant, l’Europe mérite toute notre attention, encore plus par les temps qui courent : c’est par elle que viendra une sortie de crise.

Depuis l’éclatement du mouvement #MeToo dans le monde entier, les droits des femmes semblent avoir connu un nouvel intérêt dans l’espace politico-médiatique. Cette plateforme internationale doit pouvoir permettre de mobiliser le grand public et la classe politique pour faire des droits des femmes une priorité pour l’Union européenne dans la campagne devant nous. Dans la continuité de nos travaux lors de la présidentielle dans le cadre du projet Femmes 2017, où nous avions rencontré la quasi-intégralité des équipes de campagne, nous souhaitions à nouveau placer les femmes au cœur du projet européen des partis politiques français. 

 

Seuls les propos de François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains pour les européennes ont attisé la ire de ses opposants politiques, sans pourtant que cela permette de mettre clairement la question des Droits des femmes en première ligne de la campagne européenne. Les élections européennes du 26 mai 2019 peuvent et doivent être l’occasion de considérer une perspective communautaire pour garantir l’égalité, la lutte contre le sexisme et les droits des femmes.  L’Europe sociale doit être celle qui garantit de façon universelle au territoire européen les droits des femmes. A ce titre, toutes les citoyennes européennes, s’acquittant toutes des mêmes devoirs, devraient avoir accès aux mêmes droits. Cette garantie ne saurait exister sans une harmonie législative, institutionnelle et budgétaire. L’engagement européen pour les droits des femmes n’est pas récent comme le démontrent la Charte des droits fondamentaux de l’UE (2000) garantissant l’égalité femmes-hommes et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dite Convention d’Istanbul (2011). C’est cette base qui doit nous servir pour bâtir une Europe des Droits des Femmes.

 

Tout d’abord, les partis politiques français et leurs alliés au Parlement européen doivent s’engager pour garantir le libre accès l’IVG partout en Europe. La France doit être la cheffe de file de ce changement au niveau européen, afin d’articuler un droit à l’avortement aussi bien sur le plan de la prévention, de l’accompagnement que de l’accès à des structures médicales adaptées. Les responsables politiques français doivent collectivement défendre le libre accès à l’IVG, l’inscrire à leur programme, et le défendre haut et fort pour une Europe du Progrès et des Droits des femmes. Rappelons qu’à ce jour, au sein de l’UE, ce sont six pays qui limitent ou interdisent complètement l’IVG :  le Luxembourg, l’Espagne la Pologne, Malte, Chypre et l’Irlande (ce dernier en cours d’évolution à la suite d’un référendum) : cela représente plusieurs dizaines de millions de femmes qui n’ont pas accès librement à l’IVG en Europe.

 

La Grande cause du quinquennat portée par le Président de la République doit être la Grande cause européenne. Le président de la République pourra embarquer les futurs alliés au Parlement européen, ainsi que l’Europe des 27, en prévision de la Présidence française du Conseil de l’Europe de mai à novembre 2019. La lutte contre les violences faites sexistes et sexuelles doit être une priorité du budget actuellement discuté. Elle doit être une ligne budgétaire distincte du programme “Droits, égalité et citoyenneté”, pour permettre de financer partout en Europe des structures d’accueil ainsi que des services publics pour les femmes : financement de moyens judiciaires pour que les victimes puissent ester en justice plus facilement leurs agresseurs , formation des forces de l’ordre et des juges aux violences sexistes et sexuels, financement de programmes éducatifs à destination des plus jeunes, financement d’associations d’accueil des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, financement de centres de planification familiale à travers l’Europe, financement de plan de sortie de la prostitution entre autres.

 

La lutte contre les violences économiques doit être renforcée. L’écart salarial entre les femmes et les hommes était de 16% en 2016 dans l’Union européenne.  Cet écart salarial s’explique principalement par une plus grande précarité de l’emploi occupé par les femmes, davantage de temps partiel,mais également par le plafond de verre. Il faut promouvoir au niveau européen des indicateurs de mesure commun des inégalités salariales femmes-hommes, à l’instar de l’index lancé par la Ministre Muriel Pénicaud fin novembre 2018 en France.  Il est aussi pertinent de prévoir des financements pour des formations à l’insertion professionnelle des jeunes diplômées pour réduire le plafond de verre, des formations vers les métiers d’avenir comme le numérique afin de réduire structurellement et sur le long terme l’écart salarial. C’est également en accompagnant davantage les mères isolées, vivant dans une grande précarité, que nous pouvons espérer lutter contre les violences économiques et permettre de donner un meilleur futur à la jeunesse européenne.

 

Bien sûr, ces points que nous venons d’aborder ne permettent pas l’exhaustivité face à la diversité des problèmes que les femmes rencontrent au niveau européen et qui mériteraient également toute notre attention : l’accès à la PMA, la lutte contre le système prostitutionnel et la traite des femmes, l’institutionnalisation du congé parental partout en Europe, une meilleure représentation des femmes dans le numérique, la lutte contre la haine sexiste en ligne… mais nous devons agir vite dès le 26 mai prochain en portant au Parlement européen des personnalités sensibilisés à la cause des droits des femmes et faire perdre les conservatismes. En mai, votons toutes et tous pour une Europe des droits des femmes.

 

Fatima El Ouasdi, Présidente-fondatrice de Politiqu’elles