Séverine, figure féministe de l’idéal socialiste
Caroline Rémy est née en avril 1855 et est décédée en avril 1929. Ce n’est certainement pas une femme politique de notre temps ; et pourtant, Séverine, de son nom de plume, est une écrivaine et journaliste libertaire et féministe qu’il semblait important d’évoquer – la reconnaissance des femmes en politique dans nos sociétés contemporaines passant aussi au travers la reconnaissance de l’effort des générations passées, parfois trop souvent laissées dans l’ombre.
Issue d’une famille de la petite bourgeoisie parisienne, son père étant fonctionnaire à Paris, Caroline Rémy fut bien connue de ses contemporains, notamment comme militante de l’idéal socialiste, jusqu’à son décès. Pourtant, rien ne la destinait réellement à devenir la femme engagée, soutenant même certaines causes anarchistes, qu’elle sera par la suite. Après de tumultueux débuts dans l’existence (un mariage non-consenti, une séparation et un nouveau mariage à un fortuné professeur), elle rencontre le journaliste d’extrême gauche Jules Vallès dont elle devient la secrétaire, et qui lui apprend son métier et l’initie à ses idéaux politiques. C’est dans Le Cri du peuple, journal engagé qu’elle aidera à financer et qu’elle codirigera, qu’elle choisira son nom de plume, Séverine. A la mort de Vallès en 1885, elle n’a plus assez de pouvoir seule pour s’opposer aux extrémistes et décide d’abandonner le journal en 1888. Afin de vivre de sa plume, en tant que femme indépendante, elle écrit dans de nombreux journaux et revues dans un style fin et lyrique, traitant toutes les grandes affaires, les grandes grèves ou procès. Ainsi, elle écrira des chroniques libertaires dans La Fronde, quotidien féministe d’une amie.
Séverine est une femme engagée : dreyfusarde et pacifiste, n’hésitant pas à s’impliquer dans les affaires de la vie politique avec une intrépidité rare. Cependant, elle n’y rentrera réellement que tard, après avoir longtemps été antiparlementariste. C’est ce dernier trait de son engagement qui l’empêcha de rejoindre l’une des nombreuses associations que créèrent de grandes bourgeoises, le Conseil national des femmes françaises de Mme Jules Siegfried ; ou des aristocrates tel que l’Union nationale des femmes de la duchesse de La Rochefoucauld. En effet, Séverine est aussi féministe : en tant que militante favorable à l’égalité des sexes, Séverine se trouva impliquée dans le mouvement féministe français qui suivit avec quelque retard le mouvement des suffragettes britanniques et les exemples d’Emmeline et Christabel Pankhurst. Grâce à sa plume, elle participa au combat, réclamant, entre autres choses nouvelles et polémiques, le droit à l’avortement. Elle dénoncera ainsi en 1910 la prescription de la loi électorale qui interdit aux femmes d’entrer au Parlement. Séverine ne vit tragiquement jamais le fruit de ses efforts puisqu’il fallut attendre les années 1930 pour que soient reconnus les premiers droits politiques féminins.
Alice Deceuninck