Le groupe local nancéien a eu l’opportunité d’accueillir Mme Nassim Majidi pour une conférence intitulée « The resilience of women in protracted displacement (examples from Afghanistan, Somalia, Ethiopia): A female researcher tackling myths and assumptions »
Docteure associée au CERI, co-fondatrice du centre de recherches Samuel Hall basé en Afghanistan et au Kenya, Nassim Majidi est spécialiste des questions migratoires.
Elle a publié des ouvrages sur les phénomènes migratoires, les retours volontaires et forcés, et la place des hommes, femmes et enfants comme acteurs de la migration. Elle a contribué au développement des politiques migratoires en Afghanistan, Kenya, Somalie et Turquie. Elle est venue mercredi 12 décembre 2018 pour partager ses connaissances, notamment sur les défis des femmes déplacées.
Commençant sa conférence par une citation de Barbara Harell-Bond ‘Ordinary people in extraordinary situations’, Nassim Majidi a expliqué la naissance des études sur les réfugié.e.s et la migration.
S’ensuit alors une étude de trois pays.
Tout d’abord l’Afghanistan, où 76% de la population a eu une expérience de déplacement. Quid des femmes déplacées ? L’Afghanistan connaît un phénomène d’urbanisation ; les villes étant plus protégées des groupes rebelles armés. Toutefois, les femmes y deviennent invisibles car elles vivent dans des bidonvilles, et plus dépendantes de leur mari. Elles font face à une perte d’autonomie économique, d’autonomie sociale (de contacts sociaux tout court), en plus d’un accès difficile à l’hygiène. De plus, l’immense majorité des organisations humanitaires se focalise sur les hommes et les têtes de famille. Comment est-ce qu’on peut changer cela ? En essayant de créer des « safe spaces » / « safe communities », c’est-à-dire faire en sorte que les femmes puissent sortir de chez elles et qu’elles deviennent des actrices sociales et économiques.
Vient ensuite l’étude de la Somalie et Dadaab, le camp de réfugié.e.s le plus grand de la région. En 2017, le gouvernement kenyan a décidé de ne plus accueillir de réfugié.e.s sur son territoire, donc la moitié des 500.000 personnes a été refoulée vers la Somalie. Très souvent, les hommes retournent en Somalie pour préparer le retour de leur famille. Les femmes se retrouvent donc seules avec les enfants à Dadaab et y jouent un rôle important mais précaire. Elles doivent pouvoir traverser les régions de Al-Chabab, tracer la route pour retourner à la maison quand le moment sera venu, continuer à s’occuper des enfants etc. Un problème important de cette responsabilité soudaine, c’est que les femmes ont beaucoup de questions auxquelles personne ne peut répondre. Il y un manque d’information criant qui leur apporte des souffrances et maladies psychologiques : seront-elles agressées ou tuées par Al-Chabab sur leur route de retour en Somalie ? Leurs enfants seront-ils en sécurité ? etc. Tous les programmes d’aide portent sur la nourriture, etc., mais aucun programme d’aide ne se concentre sur la place de la femme sur le marché du travail, alors qu’elles sont les plus actives professionnellement au sein du camp.
Troisièmement, nous avons considéré la réinstallation avec les femmes érythréennes en Ethiopie, illustrant le phénomène de « negative peace of exile » : On retrouve la paix dans l’exil, mais on est immobile car bloqué dans une ville. Par exemple: ‘I’m enjoying the peace here, but I don’t have enough food.’ Il y a également tout une « sex street » à Addis Abeba, avec donc une prostitution des femmes à partir de 14 ans souvent.
En bref, la conférence a été passionnante et extrêmement enrichissante pour les étudiant.e.s, abordant des thèmes qui sont peu abordés en temps normal. Nous remercions encore Mme Majidi pour son intervention !